Le Forum des Khâgneux
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 Huysmans

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Noam

Noam


Nombre de messages : 105
Date d'inscription : 01/09/2006

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MessageSujet: Huysmans   Huysmans EmptyVen 1 Sep - 2:18

Voilà, j'inaugure ce forum avec deux fiches de lectures tirée de ma bibliothèque préférée... bonne lecture

Là-Bas de Huysmans

Durtal, écrivain, esthète, personnage principal, le roman s’ouvre et se referme sur le commencement et l’achèvement de son livre : une vie de Gilles de Rai, compagnon de Jeanne d’Arc et criminel sans pareil. De meme que ses fantasmes trouvent à s’incarner dans le décors des aventures de Rai, les rites sataniques médiévaux trouvent leur redites dans les cérémonies du chanoine Docre. Avec son ami le médecin Des Hermies ils se retrouve systématiquement à dîner chez Carhaix, l’humble sonneur de cloche de St Sulpice, et autour des bons plats de sa femme, on discute théologie, morale, occultisme, satanisme, possession, exorcisme, succubat et incubat, symbolique des cloches, hiératologie : autant de sujets qui plongent la petite troupe dans des préoccupations carrément médievale, loin de leur siècle médiocre et sale, de la chienlit, et des élections parisiennes où Boulanger est fortement pressenti.

La vie de Durtal est bouleversé par l’apparition tout d’abord epistolaire de Hyacinthe Chantelouve, une femme intelligente mais perverse qui lui offre son adultère sur un plateau d’argent, «séduite » par ses livres. C’est elle qui l’introduira contre son gré à une messe noire tenue par le chanoine Docre, à des fins documentaires pour Durtal qui en profitera pour se débarasser de cette femme qui lui rappelle que trop son dégoût de la chair, la « trahison de l’idéal par le réel ».


XXII chapitres comme les lames du tarot de Marseille.

P32
La révélation de ce naturalisme, Durtal l’avait eue, l’an passé, alors qu’il était moins qu’aujourd’hui pourtant excédé par l’ignominieux spectacle de cette fin de siècle. C’était en Allemagne, devant une crucifixion de Mathaeus Grünewald.

Et il frissonna dans son fauteuil et ferma presque douloureusement les yeux. Avec une extraordinaire lucidité, il revoyait ce tableau, là, devant lui, maintenant qu’il l’évoquait ; et ce cri d’admiration qu’il avait poussé, en entrant dans la petite salle du musée de Cassel, il le hurlait mentalement encore, alors que, dans sa chambre, le Chist se dressait, formidable, sur sa croix, dont le tronc était traversé, en guise de bras, par une branche d’arbre mal écorcée qui se courbait, ainsi qu’un arc sous le poids du corps.
Cette branche semblait prête à se redresser et à lancer par pitié, loin de ce terroir d’outrages et de crimes, cette pauvre chair que maintenaient, vers le sol, les énormes clous qui trouaient ses pieds.
Démanchés, presque arrachés des épaules, les bras du Christ paraissaient garrottés dans toute leur longueur par les courroies enroulées des muscles. L’aisselle éclamée craquait : les mains grandes ouvertes brandissaient des doigts hagards qui bénissaient quand même, dans un geste confus de prières et de reproches ; les pectoraux tremblaient, beurrés par les sueurs ; le torse était rayé de cercles de douves par la cage divulguée des côtes ; les chairs gonflaient, salpétrées et bleuies, persillées de morsures de puces, mouchetées comme de coups d’aiguilles par les pointes des verges qui, brisées sous la peau, la lardaient encore, ça et là, d’échardes.
L’heure des sanies était venue ; la plaie fluviale du flanc ruisselait plus épaisse, inondait la hanche d’un sang pareil au jus foncé des mûres ; des sérosités rosâtres, des petits laits, des eaux semblables à des vins de Moselle gris, suintaient de la poitrine, trempaient le ventre au dessous duquel ondulait le panneau bouillonné d’un linge ; puis les genoux, rapprochés de force heurtaient leur rotules, et les jambes tordues s’évidaient jusqu’aux pieds qui, ramenés l’un sur l’autre, s’allongeaient, poussaient en pleine putréfaction, verdissaient dans des flots de sang. Ces pieds spongieux et caillés étaient horribles ; la chair bourgeonnait, remontait sur la tête du clou et leur doigts crispés contredisaient le geste implorant des mains, maudissaient, griffaient presque, avec la corne bleue de leurs ongles, l’ocre du sol, chargé de fer, pareil aux terres empourprées de la Thuringe.
Au dessus de ce cadavre en éruption, la tête apparaissait, tumultueuse et énorme ; cerclé d’une couronne désordonnée d’épines, elle pendait, exténuée, entrouvrait à peine d’un œil hâve où frissonnait encore un regard de douleur et d’effroi ; la face était monstrueuse, le front démantelé, les joues taries : tous les traits renversés pleuraient, tandis que la bouche descellée riait avec sa mâchoire contractée par des secousses tétaniques, atroces.
Le supplice avait été épouvantable, l’agonie avait terrifié l’allégresse des bourreaux en fuite.
(…)
Ah ! devant ce Calvaire barbouillé de sang et brouillé de larmes, l’on était loin de ces débonnaires Golgotha que, depuis la renaissance, l’Eglise adopte ! Ce Christ au tétanos n’était pas le Christ des riches, l’Adonis de Galilée, le bellâtre bien portant, le joli garçon aux mèches rousses, à la barbe divisée, aux traits chevalins et fades, que depuis quatre cents ans les fidèles adorent.

P49
A Durtal qui lui reprochait, un jour, en riant, de cacher des œuvres, il répondait avec un certaine mélancolie : je me suis châtré l’âme à temps d’un bas instinct, celui du plagieur.


Dans les chapitres qui décrivent l’univers de Gilles de Rai, nous voyons presque toujours d’une manière un peu floue les méandres de la création du livre de Durtal. Aussi le matériel n’est il narratif que d’une étrange manière, ponctué de commentaires, sous la forme d’énumérations emphatiques, saturation qui ne ressemble peut être en rien à ce qu’aurait dû être le livre de Durtal.


Le ton général n’est qu’écoeurement et dégoût pour cette fin de XIXeme positiviste, vulgaire, bruyante, très bassement matérialiste. Cette critique campe les personnages dans des positions parfois ridicules : exemples du bon feu de bois, depuis les HORRIBLES poëles construits par des ingénieurs atroces, ce luxe du plus pauvre des paysans est interdit à Paris.




P115
« Monsieur,
Je ne suis ni une aventurière, ni une femme d’esprit se grisant de causeries comme d’autres de liqueurs et de parfums, ni une chercheuse d’aventures. Je suis encore moins une vulgaire curieuse tenant à constater si un auteur a le physique de sons œuvre, ni rien enfin de ce qui vous fournirait le champ à des suppositions possibles. La vérité, c’est que je viens de lire votre dernier roman… »
-Elle y a mis le temps , car voilà plus d’une année qu’il a paru, murmura Durtal.

P121
« (…)Ce matin mon mari entre dans ma chambre ; j’avais les yeux en sang ; je me mets à rire comme une folle et quand je peux parler je lui dis : que penseriez vous d’une personne qui questionnée sur sa profession répondrait : je suis succube en chambre ? »

p144
Après le dîner, le soir, souvent, il était monté sur la côte et avait suivi les murs craquelés des ruines. Par les nuits claires, une partie du château se rejetait dans l’ombre et une autre avançait au contraire, gouachée d’argent et de bleu, comme frottée de lueurs mercurielles, au dessus de la Sèvre dans les eaux de laquelle sautaient, ainsi que des dos de poisson, des gouttes rebondies de lune.


P146
Il avouait avec larmes avoir attisé par la braise des mets la furie des sens : et ces menus qu’il réprouvait l’on peut aisément les rétablir ; à table avec Eustache Blanchet, Prélati, Gilles de Sillé, tous ses fidèles, dans la haute salle où sur des crédences posaient les plats, les aiguières pleines d’eau de nèfle, de rose, de mélilot, pour l’ablution des mains, Gilles mangeait des patés de bœuf et des patés de saumon et de brème, des rosés de lapereaux et d’oiselets, des hérons, des bourrées à la sauce chaude, des tourtes pisaines, des hérons, des cigognes, des grues, des paons, des butors et des cygnes rotis, des venaisons au verjus, des lamproies de nantes, des salades de brione, de houblon, de barbe de judas et de mauve, des plats véhéments, assaisonnés à la marjolaine et au macis, à la coriandre et à la sauge, à la pivoine et au romarin, au basilic et à l’hysope, à la graine de paradis et au gingembre, des plats parfumés acides, talonnant dans l’estomac, comme des éperons à boire, les lourdes patisseries, les tartes à la fleur de sureau et aux raves, les riz au lait de noisette, saupoudré de cinnamome, des étouffoirs, qui necessitaient les copieuses rasades des bières et des jus fermentés de mûres, des vins secs ou tannés et cuits, des capiteux hypocras, chargés de cannelle, d’amandes et de musc, des liqueurs enragées, tiquetées de parcelles d’or, des boissons affolantes qui fouettaient la luxure des propos et faisaient piaffer les convives, à la fin des repas, dans ce donjon sans châtelaines, en de monstrueux rêves !

(…) et il songea aussi aux ajustements des femmes, à des robes en étoffes précieuses et ramagées, aux manches et au buste étroits, aux revers rabattus sur les épaules, aux jupes bridant le ventre, s’en allant en arrière, en une longue queue, en un remous de liseré de pelleteries blanches. Et sous ce costume qu’il dressait mentalement, ainsi que sur un idéal mannequin, les pièces, le semant, au corsage découpé d’ouvertures, de colliers aux pierres lourdes, de cristaux violâtres ou laiteux, de cabochons troubles, de gemmes aux lueurs peureuses et ondées, la femme se glissa, emplit la robe, bomba le corsage, s’insinua sous le hennin à deux cornes, d’où tombaient des franges, sourit avec les traits reparus de l’inconnue et de Mme Chantelouve. Et il la regardait, ravi, sans même s’apercevoir que c’était elle, lorsque son chat, sautant sur ses genoux, dériva le ru de ses pensées, le ramena dans sa chambre.
-Ah ! ça la voilà encore ! – Et il se mit, malgré lui à rire de cette poursuite de son inconnue le relançant jusqu’à Tiffauges.
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